La Grande île risque-t-elle de perdre sa réputation d’eldorado des compagnies minières et pétrolières ? La question inquiète les opérateurs économiques dans le secteur des mines, au regard de l’adoption en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, du projet de loi portant refonte du code minier.
Un certain nombre de points majeurs, relevés par la Chambre des mines de Madagascar, ainsi que le secteur privé en général n’ont pas été pris en compte. Parmi ces éléments figurent par exemple, le relèvement du taux de redevance et de la ristourne à 5% s’il s’élevait auparavant à 2%.
Une décision justifiée selon Olivier Herindrainy Rakotomalala, ministre des Mines et des ressources stratégiques, à la sortie du parlement. “Le taux de redevance de 2% est actuellement le plus bas sur le marché international, et cette situation n’est plus considérée comme acceptable. Par conséquent, le taux de 5% a été décidé en tenant compte du contexte mondial. Il y a même des pays qui appliquent un taux de 8 à 10%”, soulève le ministre à la presse. Selon Olivier Herindrainy Rakotomalala, cette hausse de la fiscalité minière ne devrait pas être considérée comme un frein à l’investissement dans le pays. “Le niveau de la redevance n’est pas le seul paramètre à prendre en compte en termes d’attraction des investisseurs, mais il y a aussi la stabilité juridique. Cette garantie de la stabilité est déjà offerte par l’Etat à travers l’adoption du Code minier”, poursuit-t-il.
“Disproportionné”
Un avis non partagé par la Chambre des mines de Madagascar notamment. En effet, celle-ci avait proposé un “taux cumulé de la ristourne et de la redevance à hauteur de 4%”. Et de notifier le caractère “disproportionné” de la fiscalité minière telle qu’inscrite dans le Code minier, soit une hausse de 250% sur le taux de la redevance et de la ristourne, 7% sur la part de la ristourne destinée aux collectivités territoriales décentralisée (CTD), initialement de 1,4% qui passe à 1,5%, ainsi qu’une hausse de 480% sur la part de redevance destinée à l’Etat central qui passe de 0,6% à 3,5% dans le nouveau Code minier adopté. “Avec un taux cumulé de 5% pour les ristournes et les redevances minières, Madagascar va se situer dans une zone médiane par rapport aux autres pays miniers africains”, souligne le président de la Chambre des mines Jean-Luc Marquetoux, joint au téléphone.
Par ailleurs, en ce qui concerne l’attractivité de Madagascar en tant que destination minière, lui d’indiquer que “le niveau de fiscalité n’est pas le seul élément à prendre en compte pour mesurer l’attractivité d’un pays. Il faut aussi considérer la qualité des infrastructures, la situation de la gouvernance, le climat des affaires et des investissements et, cela va de soi, le potentiel minier via la qualité des gisements. Or, en considération de tous ces critères, et à titre d’exemple, le taux des ristournes et redevances minières est également de 5 % en Australie”, souligne le président de la Chambre des mines.
Centralisation des recettes
Andriatahina Rakotoarisoa, économiste au sein du Cercle de réflexion des économistes de Madagascar (CREM) estime également que le relèvement de la fiscalité minière pourrait alterner l’image d’attractivité de Madagascar en tant que destination minière. “Madagascar est un pays en voie de développement, c’est-à-dire qu’il n’offre pas les infrastructures nécessaires pour les investisseurs. Par conséquent, il doit trouver d’autres moyens de les attirer, d’où l’idée de garder le taux de redevance à 2%”, estime-t-il.
Outre la hausse du taux de redevance minière, la question de la répartition des retombées financières d’une exploitation minière divise également. En effet, le Code minier indique que la ristourne dédiée aux zones hôtes est de 1,5% contre 3,5% pour l’Etat. La Chambre des mines avait pourtant proposé de relever à 2,8% la ristourne dédiée aux CTD contre 1,2% revenant à l’Etat.
D’autres organisations de la société civile nourrissent même la crainte d’une poursuite de la recentralisation des recettes, risquant de mettre à mal le processus de décentralisation maintes et maintes fois promis par les dirigeants. Renforçant davantage les préoccupations d’ailleurs, dans le code minier adopté par le parlement, la ristourne de 2% prévue être perçue à la source par les CTD sera finalement versée dans la caisse de la perception.
Nambinina Jaozara