Madagascar fait face depuis le début de l’année à un recul du financement des entreprises. De nombreux paramètres expliquent cette situation. Alexandre Mey, Directeur Général de la Banque BNI Madagascar partage son point de vue. Interview.
Qu’est-ce qui fait de la BNI Madagascar la première banque en termes de ressources et de crédit, ainsi que le premier réseau d’agences à Madagascar ?
Historiquement, la Banque s’est concentrée sur le marché des grandes entreprises, ce qui représente notre expertise historique. Nous avons ensuite élargi notre présence sur le marché des Entreprises en ciblant spécifiquement les PME, notamment à travers l’initiative de création d’une nouvelle franchise de micro finance à travers la marque KRED. Désormais, cette initiative nous permet d’être présente sur tous les segments du marché des entreprises, allant des grandes entreprises aux très petites entreprises, des entrepreneurs individuels aux entreprises de taille moyenne, ainsi que les institutions. En parallèle du développement des entreprises, nous avons également adopté une approche offensive sur le marché des Particuliers, notamment en proposant une large gamme de crédits à la consommation. Nous avons ainsi entrepris de conquérir non seulement les salariés du secteur privé, mais aussi les fonctionnaires avec nos 112 agences implantées dans les 23 régions du pays.
Quelle est la situation du crédit à Madagascar actuellement ?
Ce qu’on note depuis le début de l’année, c’est un recul, qui vient essentiellement du recul du financement des entreprises. On le constate sur les crédits à court terme, tels que les crédits de trésorerie qui ont bien reculé au cours des premiers mois de l’année, mais également d’une production relativement faible des financements d’investissement à travers les crédits à moyen terme.
Comment expliquer ce recul ?
La plupart des investisseurs et des entrepreneurs sont plutôt dans une posture de prudence et d’observation. Cette prudence se reflète notamment par une nette baisse de l’indice de confiance des entrepreneurs au cours du premier trimestre, qui peut être attribuée à l’atmosphère générale du pays ainsi qu’à une forme d’attentisme, en particulier, dans plusieurs secteurs, tel que celui de la vanille qui n’a pas encore trouvé de stabilité.
Par ailleurs, notre régulateur, la Banky Foiben’i Madagasikara (BFM), a pris des mesures de lutte contre l’inflation en maintenant les taux de refinancement élevés. Dernièrement, elle a même augmenté à nouveau le taux directeur pour atteindre les 10,5%.
Quels sont les impacts de l’augmentation du taux de refinancement sur les banques primaires ?
Il faut savoir que la BFM avait déjà amorcé l’augmentation de ce taux directeur depuis 2021, et qu’elle n’a eu de cesse de l’accélérer. Nous sommes passés d’un taux directeur de 4 % à aujourd’hui 10,5 % en l’espa- ce d’un an et demi. Et pour autant, les banques n’ont pas véritablement augmenté leurs taux auprès de la clientèle, sauf depuis le premier trimestre de cette année où pratiquement toutes ont été obligées d’augmenter leurs taux à la production brute. Autrement dit, aujourd’hui, tous les nouveaux crédits ont, en règle générale, vu s’appliquer un relèvement de taux.
La période électorale figure-t-elle parmi les paramètres qui expliquent le recul de financement des entreprises ?
Effectivement, la période électorale peut jouer un rôle important, comme c’est le cas dans tous les pays favorisant une posture de prudence. Cependant, il est possible que la période électorale ne soit pas la seule cause actuelle, il y aurait une combinaison de facteurs, tels que le climat des affaires mondiales et la guerre Russo-Ukrainienne. Dans ce contexte, les économies occidentales sont confrontées à une forte inflation qui, inévitablement, a des répercussions même dans la Grande île. Nous le constatons d’ailleurs, l’inflation à Madagascar provient surtout d’une inflation importée.
Nambinina Jaozara