FCE : un décalage entre la reprise du train et la relance

Après avoir repris les rails depuis quatre mois, la ligne ferroviaire Fianarantsoa Côte Est (FCE) n’a pas encore été d’une grande aide dans la revitalisation du tourisme dans les régions Vatovavy et Fitovinany. Les opérateurs touristiques font état d’une saison touristique presque inexistante et expriment de sérieux doutes quant à la perspective de la saison 2024. Leurs explications.

Soavadia. Le traditionnel terme utilisé pour souhaiter bonne chance aux voyageurs n’a pas beaucoup marqué la reprise de la ligne FCE. Ayant repris entièrement les rails en début juin, la ligne n’a pas eu beaucoup d’impact sur l’économie touristique des régions Vatovavy et Fitovinany, principales régions qui dépendent de son passage. Cette situation découle en grande partie d’un désaccord dans la synchronisation des calendriers. Selon les explications des opérateurs touristiques locaux, les voyageurs étrangers sont rares à bord des trains de la FCE. Christian Manary, qui est guide touristique et gérant d’un hôtel à Manakara explique : “Alors qu’auparavant, les touristes prenaient le train pour venir passer leurs vacances sur la côte Est, nous constatons aujourd’hui qu’il y a peu, voire aucune réservation de la part d’étrangers. Nous accueillons principalement des résidents locaux ou des Malgaches venant rendre visite à leurs proches”, indique-t-il. Il estime également que cette situation découle du fait que les touristes internationaux n’étaient pas préparés à la reprise du service ferroviaire. Habitués à l’absence du train, ils ont fini par se passer de son service et n’ont pas pris d’initiatives pour réserver leur voyage.

Même si l’annonce de la réouverture a été faite en grande pompe il y a quatre mois, la destination ne figure plus dans l’agenda de ces touristes internationaux, d’après les opérateurs locaux. Cette situation plonge davantage les opérateurs des régions Vatovavy et Fitovinany dans le désarroi, après deux années difficiles en raison de la suspension du service de la FCE. Les hôtels restent donc presque vides et luttent pour atteindre ne serait-ce que la moitié de leur taux de remplissage habituel en période de haute saison. “Auparavant, nous avions l’habitude de voir un flux constant de nouveaux touristes internationaux pendant cette saison, ce qui contraste fortement avec la situation actuelle où nous n’en recevons presque aucun”, regrette encore Christian Manary.

Phylis Raphaël, ancien directeur exécutif de l’Office régional du tourisme des régions Vatovavy et Fitovinany, partage également son point de vue sur la situation. Selon lui, il y a un important décalage dans la planification de la relance. “En général, la promotion d’une destination se déroule au cours des trois premiers trimestres de l’année précédant l’année d’activité prévue. Cependant, en 2022, cette promotion s’est avérée difficile en raison des nombreux obstacles administratifs et techniques auxquels la FCE a été confrontée. Face aux incertitudes de la reprise du train, il a été compliqué pour les tours opérateurs et les agences de voyage de l’intégrer dans la liste des produits proposés par la destination”, explique-t-il. D’autant plus qu’au cours des deux années pendant lesquelles la ligne ferroviaire a été suspendue, les agences de voyage ont dû se tourner vers la location, ce qui a entraîné des dépenses supplémentaires.

Pour faire face à cette situation, les opérateurs touristiques se tournent vers le tourisme local qui a longtemps été la bouée de sauvetage pour Madagascar au cours des trois années qui ont suivi la pandémie de Covid-19. Même avec la reprise de la plupart des vols internationaux, le tourisme local reste le principal moteur de revitalisation pour certaines régions. “C’est une décision logique, car si nous proposons un forfait de 900.000 ariary pour une durée de six jours, au même tarif pour les résidents et les non-résidents, nous préférons nous concentrer sur les résidents. Nous leur offrons des voyages de découverte et une variété de nouveaux produits”, explique Christian Manary. Il ne s’attend pas à tirer un grand profit de la reprise de la plupart des compagnies aériennes pour cette saison touristique.

Face à une saison 2023 presque tombée à l’eau, certains opérateurs tentent de sauver la saison 2024. Ils suggèrent des solutions pour une meilleure préparation de la prochaine saison, l’amélioration du rapport qualité-prix de la destination Fianarantsoa Côte Est. “Des efforts ont déjà été déployés sur la ligne FCE, comme la mise en place d’une ligne express chaque jeudi, par exemple. Ce qui serait bénéfique, c’est de renforcer la sécurité des voyageurs, car cela pourrait constituer l’une des raisons qui les dissuadent de choisir cette destination” soutien Phylis Raphaël. Il propose également de renforcer la promotion de la destination. D’autres opérateurs, comme Christian Manary expriment par contre leur scepticisme face à cette saison et à la prochaine, compte tenu de “l’incertitude du contexte politique”. Selon lui, la seule solution viable est de continuer à se concentrer sur la stratégie du tourisme local.

La ligne ferroviaire FCE a été suspendue pendant une période de 18 mois. Elle a connu une reprise partielle en mai, desservant uniquement la liaison entre Fianarantsoa et Manampatrana. Ce n’est qu’en début juin, lors de l’inauguration par l’ancien président de la République, Andry Rajoelina, que la ligne est redevenue entièrement opérationnelle, avec trois départs par semaine. En mars, le ministère des Transports et de la météorologie avait annoncé la mise en place d’un comité de redressement et d’une direction collégiale pour diriger la ligne ferroviaire. Il avait également annoncé la nomination prochainement d’un directeur pour la société ferroviaire, mais cette décision est encore attendue.

Nambinina Jaozara

Partager sur: