En début de semaine, Madagascar Airlines a annoncé la suspension provisoire des vols long-courriers. Aucune précision quant à la durée ni la date de la reprise mais, en attendant, il est probable que d’autres compagnies opèrent sur le créneau laissé par la compagnie nationale.
Les dirigeants de Madagascar Airlines (anciennement Air Madagascar) ont officialisé la décision au cours de cette semaine : la compagnie suspend temporairement ses vols long-courriers.
La part de trafic laissé par Madagascar Airlines sera probablement reprise par les compagnies internationales qui desservent l’Europe et la région Océan Indien notamment. Les autorités devront donc jongler entre le fait de faire venir des nouvelles compagnies et trouver un moyen d’aider la compagnie nationale. “Aujourd’hui, si toutes les lignes reprennent comme ceux qui existaient avant 2019, on devrait avoir 69 fréquences internationales par semaine. Pour autant, ce n’est pas cela qui va générer 500.000 touristes et il faudrait donc en rajouter cinquante autres. Il faut 80 % de sièges en plus”, indique un opérateur dans le secteur du tourisme.
Cette situation est due aux pertes “abyssales” subies par la compagnie nationale, pour reprendre les propres termes du directeur général. “Depuis sa création en avril 2022, Madagascar Airlines accumule des pertes importantes et a enregistré un déficit de 25 millions de dollars sur l’année 2022 qui ne comptait donc que 9 mois d’activité. Cela va être la même chose sur 2023. L’endettement s’est aussi aggravé sachant qu’on approche aujourd’hui des 35 million de dollars de dette, ce qui pénalise au premier chef les fournisseurs qui, eux-mêmes, sont dans une situation délicate (…)”, chiffre-t-il.
Comment est-ce arrivé ? Madagascar Airlines a un modèle d’exploitation qui s’appelle ACMI. Il s’agit d’un régime de location consistant donc à louer l’avion, les équipages, mais dans lequel il faut également payer pour la maintenance et les assurances. Ce, alors que la compagnie dispose d’ateliers de maintenances et de ses propres pilotes qui, entre temps, ne pilotaient pas ces avions… “Ce n’était pas forcement le système le plus efficace et c’était prévu pour être provisoire. Malheureusement, nous y sommes restés 18 mois durant lesquelles nous avons perdu environ 2,7 à 2,8 millions de dollars par mois en moyenne, soit environ 300.000 à 320.000 dollars par rotation pour l’aller-retour entre Tana et Paris. On a brulé du cash comme on dit en finances. Il fallait donc stopper ceci le plus vite possible puisque nous allions tout droit vers une catastrophe économique”, détaille, le directeur général de Madagascar Airlines devant la presse. Une chose en entraînant une autre, les pertes d’exploitation sur les longs courriers ayant asséché sa trésorerie, la compagnie n’a plus été en mesure d’acheter des pièces détachées et, quand les avions ne sont pas au bon niveau de maintenance, ils ne peuvent voler pour des raisons de sécurité.
Aucune date pour la reprise des vols long courrier n’a été annoncé pour le moment. “Nous allons reprendre les vols long courrier dès que nous aurons des avions en propre et pour cela, nous avons besoin d’un plan de financement avec les partenaires techniques et financiers (…)”, déclare le directeur général.
Dans tous les cas, “Remettre en marche les trois avions cloués au sol couterait environ deux millions d’euros d’après les chiffres avancés par la compagnie (…)”, explique une source avisée proche du dossier dans nos colonnes à l’approche de la haute saison. “Nous allons entrer autres restructurer la flotte ATR, la rénover. Nous allons revenir à une maintenance préventive, c’est-à-dire qu’au lieu de réparer les avions quand ils tombent en panne, établir des programmes de maintenance de manière à ce que ces pannes surviennent le moins possible”, avance quant à lui le DG de Madagascar Airlines.
Entretemps, Madagascar Airlines projette de se concentrer sur les vols domestiques. “Nous allons nous recentrer sur le réseau domestique, revenir à une exploitation des vols domestiques fiable, régulière, de qualité avec des avions partant à l’heure et à jour de leur programme de maintenance”, fait savoir Thierry de Bailleul, le directeur général de la compagnie nationale.
Une démarche qui vient à point nommé quand on sait que les vols domestiques sont confrontés à quelques problèmes : l’insuffisance de compagnies, ce qui rend le prix des billets exorbitants et tout à fait inaccessible, ainsi que l’insuffisance d’avions pour absorber la demande. Des lacunes ressenties jusqu’auprès des opérateurs touristiques. “Les opérateurs ont presque raté la haute saison. Tsaradia n’avait pas assez d’avions et on ne pouvait pas répondre à la demande, ce qui a entraîné des annulations de réservation de long courrier, car les touristes ne pouvaient plus aller en province. En plus de cela, il y avait des retards récurent et même des annulations” témoigne une responsable d’une agence de voyage.
“Rien que pour 2023, le calcul fait qu’il aurait fallu ajouter 160 vols par semaine pour permettre de dispatcher tous les touristes, on admettant qu’ils arrivent sur Tana. Bien entendu, cela n’a pas été fait”, regrette pour sa part un opérateur touristique. “Si Madagascar Airlines avait 5 ATR, on aurait eu 90% de la flotte nécessaire pour véhiculer tous les locaux ou tous les touristes internationaux qui veulent rejoindre les autres provinces. Cela veut dire qu’avec 5 ATR, on arriverait à répondre à 90 % de la demande”, poursuit-il.
Tiana Ramanoelina