Le président sortant, Andry Rajoelina roule vers un second mandat si l’on se fie aux premières tendances de vote. Le sociologue et ancien ministre, Paul Rabary, via un entretien accordé au journal Les Nouvelles, a décrypté les raisons ainsi que la suite de cette probable victoire.
*Les Nouvelles : Le président Andry Rajoelina est en ballotage favorable pour être réélu pour un second mandat, quelle interprétation peut-on faire à propos des tendances de vote actuelles?
-Paul Rabary : Les élections ont trois fonctions, d’abord c’est le moment idoine pour apporter un jugement sur le bilan d’un détenteur du pouvoir, en l’occurrence le président de la République. Mais aussi, c’est une opportunité pour trancher les débats politiques, dans notre cas sur la question de la double nationalité. Enfin, c’est l’occasion ou jamais d’une part, pour les hommes de présenter les offres politiques, et d’autre part pour les électeurs, de choisir les orientations à prendre pour le pays. Sur ces points, les électeurs ont tranché remarquablement.
*Donc, on s’achemine probablement vers une victoire au premier tour comme vous l’avez prédit…
-Vous savez, la sociologie électorale est une branche de la sociologie politique qui étudie l’histoire des élections, la dynamique du comportement des électeurs, l’articulation entre l’élection présidentielle, l’élection législative et les communales, les votes de chaque catégorie socioprofessionnelle, les tendances de fond et les particularités régionales. Elle permet d’identifier les bassins d’électeurs à Madagascar, notamment les régions Sofia, Haute Matsiatra, Amoron’i Mania, Sud-est, Vatovavy, Fito Vinany, Atsimo Andrefana, Analanjirofo, Analamanga et Vakinankaratra. Je n’ai rien prédit, j’ai juste analysé tout cela, froidement et méthodiquement. Vous savez, les chiffres sont têtus.
*Le taux de participation est pour le moment en dessous de la moyenne, est-ce que cela ne risque pas d’avoir un impact sur la légitimité du président élu ?
-Depuis 2001, les élections présidentielles ont montré une tendance à la baisse du taux de participation. C’est un fait. En 2013 et en 2018, ce taux de participation n’a jamais dépassé les 50%. Le temps de la première République ou de la révolution socialiste marxiste où le taux de participation avoisinait indécemment les 90% est révolu. La démocratie est fondamentalement la liberté de choisir et/ou de ne pas choisir. Le comportement de certains politiciens déroute aussi les électeurs. La légitimité d’un président élu s’appréciera sur le nombre de voix qu’il va obtenir. Est-ce que ce nombre va en croissant ou en décroissant ? Est-ce qu’il aura plus de voix qu’en 2018 ? Cette légitimité se construit sur la base du nombre des électeurs qui lui font confiance.
*Le collectif des candidats estime toutefois que la baisse du taux de participation est le résultat de leur appel au boycott, qu’en est-il de la stabilité alors ?
-Ce collectif est contradictoire dans son propre raisonnement. D’une part, s’il pense que les 60% des électeurs qui ne se sont pas déplacés le 16 novembre sont acquis à leur cause, alors pourquoi avoir boycotté cette élection présidentielle, d’autant qu’il a donc théoriquement 60% des électeurs. D’autre part, s’il argue que la Ceni n’est pas digne de confiance et qu’elle a structurellement et intrinsèquement une velléité de dénaturer les résultats des élections, alors cela devrait se refléter d’abord et surtout sur le taux de participation. A vrai dire, vu le taux de participation historiquement « faible » qui reste sous la barre des 50% depuis une décennie, l’impact de leur appel au boycott est moindre. On peut affirmer sans le moindre doute que seul 10% des électeurs ont répondu favorablement à leur appel.
*En somme, si le président sortant est réélu, qu’est-ce que vous proposez comme solution pour éviter une nouvelle crise postélectorale ?
-Le collectif des candidats a tenté vainement d’installer une crise préélectorale. Il a voulu désespérément mettre en place une transition qui n’a pas de justification politique constitutionnelle et institutionnelle. Il a boycotté une élection qui s’est déroulée normalement. Son appel au boycott n’a pas eu l’effet escompté. Et certainement, il va continuer dans ce sens pour donner l’impression d’une crise postélectorale. Mais les électeurs se sont exprimés. Il appartient au président de la République de prendre la mesure du vote, à la fois en humilité, en confiance avec la gravité et la responsabilité de sa fonction. Je n’en doute pas une seule seconde qu’il en soit capable.
Rakoto