La croissance reste à un niveau moyen de +4,0% en 2023, ce qui est insuffisant pour créer une amélioration du niveau de vie des habitants, dont le Produit National Brut (PNB par habitant) stagne autour des 525 USD par an. Si le cadre budgétaire et de la dette reste maîtrisé, le pays a dû faire face à des tensions monétaires, se traduisant par une dépréciation de la devise qui a renforcé l’inflation à 10,5% en 2023.
Une révision à la baisse de la croissance du Produit Intérieur Brut ou PIB en 2023, à +4,0% contre 4,2% initialement prévu
Le Fonds Monétaire International (FMI) a révisé à la baisse le rythme de la croissance à Madagascar en 2023 (4,0% contre 4,2% initialement prévu), principalement tirée par une hausse des activités touristiques (+1,2 points de PIB des recettes de voyage par rapport à 2022) et des exportations minières (+0,8 points de PIB). Une hausse significative des arrivées touristiques a été constatée en 2022 (132.000 arrivées contre 35.000 en 2021), mais ce niveau est resté deux fois moins important que celui de 2019 (383.000). La loi de finances initiale pour 2023 avait prévu un scénario de croissance plus optimiste (+4,9%). Cette croissance est restée stable par rapport à 2022 (+4%), et fait suite au rebond de 2021(+5,7 %) porté par la reprise des activités du principal projet minier du pays, Ambatovy, après une forte contraction de 7,1% en 2020.
Le PIB par habitant malgache demeure ainsi l’un des plus faibles au monde, se chiffrant à 536 USD en 2023, contre 526 USD en 2022, la croissance économique étant largement absorbée par la croissance démographique de +2,8% en moyenne par an.
Une politique monétaire impuissante face à l’inflation et la dépréciation de l’Ariary
– Le FMI table sur une augmentation de l’inflation à 10,5% en 2023 :
L’inflation moyenne devrait s’accélérer à 10,5% en 2023 contre 9,5% initialement prévus. En juin 2023, l’inflation a atteint 11,3% en glissement annuel, reflétant les prix alimentaires mondiaux élevés et les effets de l’augmentation de 43% des prix du carburant en juillet 2022.
Afin de répondre aux pressions inflationnistes, la Banky Foiben’i Madagasikara ou BFM a relevé ses taux des dépôts et des facilités de prêt marginal pour la 7ème fois le 8 août 2023, atteignant respectivement 9% contre 8,5% en mai dernier et 11% contre 10,5 %.
Et pour le carburant, une hausse des prix à la pompe a été appliquée à partir du 11 juillet 2022, à la suite des négociations entre le gouvernement et les compagnies pétrolières. Elle se décline de la manière suivante : +43,9% du prix de l’essence, +44,1% du prix du gasoil, +14% du prix du pétrole lampant. Une forte hausse des prix du transport s’observe depuis cette mesure : +23,3% en glissement annuel en juin 2023.
Les produits de première nécessité (PPN) ont également connu une hausse de leurs prix en juin 2023 (+10,6% en glissement annuel), tout comme le riz à +12,2%.
Une baisse de 5% du SMIG a été mise en œuvre en mai 2023 suite à un accord entre le gouvernement et le secteur privé, passant de 250.000 à 238.000 Ariary par mois.
– L’Ariary poursuit sa dépréciation face à l’Euro en 2023 en raison d’une baisse des recettes de devise due à la crise du secteur vanille :
L’Ariary poursuit sa dépréciation de 2,6% depuis le début de l’année 1 € = 4 875 MGA à la date du 10 août 2023, en raison d’une dépréciation globale de l’Euro dans le contexte d’une diminution des recettes en devises liées à une campagne de vanille 2022-2023 moribonde. A noter que l’Union Européenne concentre un quart des importations de vanille de Madagascar.
La devise locale avait connu une dépréciation de 6% face à l’Euro en 2022 de 1 € = 4 461 MGA en janvier 2022 à 4 749 MGA fin décembre 2022, en raison des retards observés dans le démarrage de la campagne d’exportation de vanille durant le dernier trimestre.
L’Ariary s’est légèrement apprécié de 0,6% face au Dollar depuis début 2023 (1 $ = 4 440 MGA) à la date du 10 août 2023, notamment grâce à la hausse des exportations minières. Une forte dépréciation de 13% avait été constatée en 2022 (de 1 $ = 3 947 MGA en janvier 2022 à 4 465 MGA fin décembre 2022), à cause de la baisse des recettes d’exportation de vanille : les Etats-Unis sont le premier pays importateur de vanilles en provenance de la Grande Île avec plus du tiers de la valeur totale importée.
Les aides internationales, en particulier celles du FMI et de la Banque mondiale ont permis de soutenir la devise malgache. Une allocation de DTS approuvée par le FMI en août 2021 de 316,6 Million d’Euro, a été entièrement rétrocédée au Trésor malgache en avril 2023.
Un déficit budgétaire et une dette publique en diminution en 2023
Le déficit budgétaire devrait se creuser légèrement en 2023, de -5,0% du PIB contre 4,7% l’année précédente. Les recettes seront soutenues par les réformes au sein de l’administration fiscale et un durcissement de la fiscalité, notamment douanière de +3,5 points du PIB à 12,8% du PIB. En parallèle, les dépenses connaîtraient une hausse de 1,3 points de PIB due notamment à la hausse des dépenses d’investissement de +1,5 points de PIB. Le déficit budgétaire devrait être financé à hauteur de 3,1% du PIB par les financements externes dont les prêts projets et de 1,9% du PIB par les financements internes, notamment les allocations de DTS du FMI transitant par la Banky Foiben’i Madagasikara, à hauteur de 1,6% du PIB.
La dette publique rapportée au PIB devrait augmenter à 56,1% soit +1,2 points en 2023, contre 54,9% l’année précédente. Elle serait majoritairement externe car 39,6% du PIB selon le FMI contre 36,7% en 2022 tandis que la dette interne baisserait de 1,8 point à 16,5% du PIB. L’analyse de soutenabilité de la dette du FMI a été dégradée en risque “modéré” en juillet 2020 pour la dette externe, tout comme pour la dette publique.
L’excédent financier ne suffit pas à assurer l’équilibre de la balance des paiements en 2022
L’excédent de la balance financière lié à l’afflux des financements internationaux ne suffit pas à assurer l’équilibre de la balance des paiements en 2022 de -0,8% du PIB. Cet excédent de 4,7% du PIB n’a pas compensé le déficit courant, qui s’est creusé à 5,5% en 2022, en raison d’un double déficit de la balance commerciale et des services.
Le déficit commercial est resté stable en 2022 (-6,6% du PIB), soutenu par une forte hausse des exportations de +4,7 points à 23,3% du PIB, qui ont principalement bénéficié de la hausse des exportations minières. Les recettes issues des exportations de vanille ont toutefois diminué à -0,7pt. Les importations ont augmenté de 4,6 points de PIB en 2022, en raison de l’augmentation des achats de carburant de +2 points et des biens intermédiaires de +2,7 points. Le déficit de la balance des services s’est résorbé en 2022 de -0,7 pt à -2,6% du PIB, en raison de la reprise du tourisme et des transports internationaux, liée à une réouverture tardive des frontières aériennes à partir du dernier trimestre 2021 (hausse de 1,2 pt des recettes de voyage).
Enfin, consécutivement au déficit de la balance des paiements, les réserves de change ont légèrement diminué. Cela s’explique par 4,2 mois d’importation à la fin 2022, contre 5,8 mois en fin d’année précédente.
Andriatahina Rakotoarisoa
(Economiste)