Plusieurs entités du secteur privé viennent d’adresser une lettre ouverte aux autorités concernant le problème lié à la production d’énergie à Madagascar. Ils roulent pour le démarrage effectif des projets Sahofika et Volobe.
Cette année encore, le scénario n’a pas changé : les usagers en général, et les entreprises en particulier, subissent des délestages intempestifs qui ne sont pas sans effet sur leur trésorerie, et par ricochet sur la compétitivité du pays. Pourtant, avec la tarification “optima business”, les entreprises ont connu une augmentation de 80% en moyenne entre août 2022 et janvier 2023.
D’après la missive du secteur privé, le passage effectif aux énergies renouvelables hydroélectriques est faisable et disponible. En effet, “L’aménagement hydroélectrique de SAHOFIKA est censé produire massivement de l’énergie (1 650 GWh/an) sur le Réseau Interconnecté d’Antananarivo (RIA), ce qui permettrait de rééquilibrer les comptes financiers déficitaires de la JIRAMA. Le barrage de retenue du projet qui assure une production suffisante pendant l’étiage (garantie de capacité installée de minimum 130 MW toute l’année) apporte une solution économique, financière et technique du secteur Energie. Et l’aménagement hydroélectrique de VOLOBE prévoit quant à lui d’injecter 750 GWh/an dans le Réseau Interconnecté de Toamasina (RIT)”.
Et de poursuivre que ces deux aménagements devraient notamment permettre de passer à plus de 90% de part d’énergie renouvelable hydroélectrique au niveau national et de ne plus endetter l’Etat et la Jirama.
De son côté justement, la compagnie nationale d’eau et d’électricité multiplie les annonces de coupures. La Jirama continue d’opérer une vente à perte pour diverses raisons. “Un réseau de distribution vétuste et peu entretenu”, des outils de productions hydroélectriques “obsolètes, peu entretenus, sans réservoir de grande capacité”, constaté le secteur privé qui relève également que les parcs solaires récemment installé subissent des fluctuations et intermittence, et souligne au passage que les groupes thermiques utilisé sont couteux et polluant. Et de mettre un accent particulier sur ces deux grands projets qui sont à “portée de main”, mais dont les travaux ne démarrent pas, par manque de volonté politique.
Pour ce qui est de l’aménagement hydroélectrique de Sahofika, les contrats de vente d’électricité à la Jirama, et le contrat de concession avec l’Etat malagasy ont été signés le 15 novembre 2021, tout comme le Projet de renforcement et d’interconnexion des réseaux de transports d’énergie électrique à Madagascar – phase 2 (Prirtem 2), financé par la Banque Africaine de développement. Et depuis…. Rien… Pour rappel, ce projet consiste en la mise en place d’un grand centre hydroélectrique sur la fleuve Onive. Avec une capacité de production allant de 1 650 GWh par an, le Réseau interconnecté d’Antananarivo devrait bénéficier d’au minimum 130 MW toute l’année. Le projet permettra d’électrifier 2 millions de foyer supplémentaire. “Comme il n’y a eu aucune avancée de la partie publique, le 14 août 2023, NEHO, le développeur du projet a envoyé un avis de demande résiliation de contrat”, confie une source avisée proche de ce dossier. “Sahofika est le seul moyen avec un réservoir d’eau assez grand pour passer la période d’étiage et assurer l’approvisionne- ment en énergie de Prirtem 1 et 2”, poursuit-elle.
L’autre projet phare est Volobe. La puissance serait de 120 mégawatt ce qui devrait permettre de produire 750 giga- wattheure par an. Cela représente 40 % de la production actuelle. Le projet devrait aussi permettre l’accès à l’électricité pour près 2 millions de personnes. La signature des contrats de réalisation du projet a été signée le 26 mai 2023. Volobe s’inscrit dans le Projet de renforcement et d’interconnexion des réseaux de transport d’énergie électrique à Madagascar (Prirtem) porté notamment par la Banque africaine de développement, qui vise à renforcer le réseau interconnecté entre Toamasina et Antananarivo. Quelques mois après la signature, le projet serait bloqué au stade des négociations commerciales. “Le projet, estimé à 600 millions d’euros, reste cependant bloqué au stade des négociations commerciales. Le conglomérat malgache Axian et la plateforme panafricaine d’investissement dans les infrastructures Africa50, qui développent Volobe avec l’État malgache dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP), ne parviennent pas à se mettre d’accord avec les autorités sur le tarif du kilowattheure (kWh)”, rapporte Africa Intelligence.
Dans sa lettre ouverte, concernant ces deux grands projets, le secteur privé rappelle que les études sont déjà terminées et le financement est assuré. Deux autres projets dépendent de la réalisation de ces deux aménagements (Sahofika et Volobe). Le programme Prirtem 1 qui devrait interconnecter le RIT (réseau interconnecté de Toamasina) au RIA (Réseau interconnecté d’Antananarivo), conditionné par la mise en service des deux aménagements et le Prirtem 2 qui devrait interconnecter le RIA et le RIF (Réseau interconnecté de Fianarantsoa) conditionné par la mise en service de Sahofika.
Ces deux projets (Sahofika et Volobe) sont jugés “économiques” par les experts. “Les coûts d’exploitation seront moindres par rapport au thermique, cela va réduire la dépendance au niveau national par rapport au thermique mais aussi la dépendance financière aux subventions parce que cela va améliorer la situation financière de la Jirama, la production et l’accès à l’électricité pour les ménages. Mais surtout permettra d’approvisionner le secteur privé en énergie à moindre coût, fiable et propre, d’accompagner effectivement la croissance économique et le développement social” explique un expert en énergie.
Lors de sa campagne à la course à la magistrature suprême en 2018, Andry Rajoelina avait promis de privilégier les énergies renouvelables. A l’époque, encore candidat, il s’est basé sur les statistiques de 2017 dont la puissance opérationnelle à Madagascar était de 400 MW, avec une part de thermique entre 65% et 67% par rapport à l’énergie renouvelable. Le président avait aussi promis de doubler la capacité de production, c’est-à-dire d’atteindre 800 MW à la fin de 2023…
Tiana Ramanoelina