Certains se posent peut-être encore la question : quel est l’intérêt des taximotos ? Ils concurrencent les taxis traditionnels, mais ne semblent pas offrir un niveau de sécurité supérieur. L’expérience de Zo Rakotonirina, un père de famille qui a exercé ce métier pendant 11 ans, démontre que ce travail peut avoir du sens lorsqu’il est abordé avec sérieux et dévouement. C’est l’histoire d’un homme à tout faire, pour qui un simple véhicule à deux roues a bouleversé la vie.
L’histoire de Zo Rakotonirina débute en 2013 lorsqu’une entreprise lui propose d’utiliser ses services pour livrer des roses à l’occasion de la Saint-Valentin. “Ma mission était de livrer 200 roses à tout le personnel de cette entreprise. J’ai relevé le défi. En fin de journée, le directeur de l’entreprise a entendu parler de la satisfaction des gens à mon égard. La livraison a été effectuée à temps et les clients étaient très satisfaits de mes services”. C’est à partir de ce moment que cet engin qui lui a servi pour ramener ses enfants à l’école est devenu peu à peu son gagne-pain. Zo Rakotonirina est rapidement embauché à temps plein par cette entreprise et voit sa clientèle s’élargir progressivement. “J’ai commencé à réaliser de nombreuses courses pour le personnel de l’entreprise. Les gens me demandaient de livrer des documents, mais aussi de les transporter à différents endroits. Mon travail s’est étendu au fil du temps”, raconte-t-il. Ainsi, Zo Rakotonirina devient une sorte de couteau suisse à Tanà, effectuant des courses pour divers clients, conduisant des enfants à l’école, les raccompagnant, payant les frais de scolarité, le loyer, les factures de la Jirama, les impôts, livrant des documents administratifs à différents ministères. Il fait les courses pour ceux qui n’ont pas le temps et livre de la nourriture pour le compte de certains restaurants. Certains clients font même appel à lui lorsqu’ils oublient leurs clés à la maison. “J’étais là pour ceux qui manquaient de temps”. Il ne lui manquait plus que le cap de “super homme à tout faire”.
Les tarifs des courses varient entre 6.000 et 10.000 ariary. Si Zo Rakotonirina s’est forgé une réputation dans ce domaine, ce n’est pas un hasard. En effet, ce père de famille possède un véritable talent commercial. Son sourire et son charisme font partie intégrante de sa personnalité. Lorsqu’on le rencontre, il accueille ses clients avec le sourire, engage la conversation et sait toujours trouver quelque chose à dire. Il ne se contente pas d’être un employé exemplaire pour l’entreprise qui l’a engagé, il devient également un ami pour ses clients. En 2020, durant la crise de la Covid-19, l’activité de ce chauffeur de taxi-moto prend un tournant décisif. Tout commence lorsqu’un homme lui demande de lui livrer une bouteille d’oxygène. Ce client satisfait en parle ensuite à son entourage, et le nom de Zo Rakotonirina finit par se propager, jusqu’aux hôpitaux et même dans les grandes banques. “Une grande banque de la capitale a fait appel à mes services pour livrer de l’oxygène à tous ses employés. J’ai dû travailler jour et nuit pendant cette période”. À ce moment-là, Zo Rakotonirina a même reçu un permis spécial de circulation de la part du ministère de la Santé publique pour pouvoir mener à bien sa mission. Le défi était de taille. Les bouteilles devaient être livrées en temps et en heure afin d’éviter tout désagrément dans les hôpitaux. Il a alors côtoyé le quotidien des patients et des médecins, dans toute sa dureté. C’est à ce moment-là qu’il a pris conscience de la valeur de son travail.
Bien que légalisé en 2022, le taxi-moto a déjà une longue histoire, opérant dans l’ombre pendant des années pour servir de nombreux citoyens dans l’informel. Malgré sa praticité, il reste controversé et n’est pas universellement accepté. Sa légalisation par la municipalité d’Antananarivo a suscité des réactions mitigées, certains le considérant comme dangereux et une menace pour les taxis traditionnels. “Il est inévitable d’avoir de la concurrence. Je pense que les deux services sont utiles. Le taxi est capable de transporter plusieurs personnes tandis que le taxi-moto ne transporte qu’une seule personne. Il faut laisser le choix aux citoyens. Pour ma part, je m’efforce de bien faire mon travail chaque jour en utilisant des casques sécurisés et tout le matériel nécessaire. Je crois fermement que, comme dans tout autre métier, le professionnalisme est indispensable, ce qui implique d’avoir un permis légal et de maîtriser le Code de la route”, soutien-t-il.
D’ailleurs, Zo Rakotonirina, ne voit pas son métier comme un simple gagne-pain. Il le considère surtout comme un service public, qui lui permet de faire coïncider ses valeurs avec son travail : aider les autres, dans son quotidien.
Nambinina Jaozara