Rapatriement du crâne du roi Toera: un événement d’ampleur nationale

Le retour imminent du crâne du roi Toera et des deux autres guerriers Sakalava à Madagascar en septembre suscite un vif engouement au sein de la famille Kamamy et de la population malgache dans son ensemble. Pour Joe Kamamy, descendant de la 5e génération du roi Toera, cet événement revêt une importance capitale et constitue une véritable renaissance culturelle pour la nation.

*Les Nouvelles : Où en est-on sur le processus de rapatriement ?
– Joe Kamamy : Suite à une première réunion de la commission malgache en charge du projet le 8 avril, une délégation malgache se rendra à Paris au mois de juin pour une deuxième réu­nion avec la partie française. Les autorités françaises ont donné leur feu vert pour le rapatriement des reliques sacrées, qui devrait avoir lieu en septembre.

*Depuis quand vous êtes-vous lancé dans cette quête ?
– Cela fait maintenant 127 ans que notre famille cherche le crâne du souverain Toera. Son propre fils, Pierre Ka­mamy, a engagé les discussions tout en travaillant de près avec l’administration coloniale en tant que gouverneur. Ses descendants ont continué son entreprise lors du régime de l’ancien président Philibert Tsiranana. Le roi Magloire Kamamy était à l’origine des discussions avec le gouvernement malgache. Personnellement, j’ai mis tout mon cœur et toute mon énergie à cette cause depuis 16 ans.

*C’est-à-dire ?
– En 2008, nous avons approché l’historienne française Klara Boyer-Rossol, qui a travaillé pendant 12 ans sur les collections de crânes et ossements malgaches con­servés au Muséum d’histoire naturelle de Paris. Le roi Toera fait d’ailleurs l’objet de sa thèse de doctorat. En 2017, nous avons emmené en France des échantillons d’os, prélevés dans la sépulture du roi Toera pour des analyses comparatives avec les crânes conservés au musée de l’Homme. Le gouvernement malgache nous a aidés pour les frais nécessaires à la réalisation du test. Il a fallu 5 ans pour que les résultats des tests ADN soient disponibles. Il s’agit bien d’un homme, africain, âgé environ de 40 ans.

*Et pour les deux autres guerriers Sakalava ?
– Compte tenu du nom­bre important de crânes (issus des différentes ethnies à Madagascar) conservés au Musée de l’Homme, nous nous sommes concentrés sur celui de Toera. Mais l’Etat malgache a décidé d’inclure les deux guerriers Sakalava. Pour la petite histoire, Maha­tante et Vongovongo se sont portés volontaires pour se faire passer pour le roi quand les Sakalava sont pris dans une embuscade de la troupe française, sous la férule du commandant Gérard. Les deux bras droits de Toera ont été décapités. Le souverain Sakalava a été par la suite capturé en tant que prisonnier de guerre. On lui a fait signer l’acte de son abdication. Il a refusé et connu le même sort le 30 août 1897.

*Quelle est l’importance du retour de ce bien culturel pour vous et la nation ?
– Avec le concours indéfectible du président de la République malgache et du ministère de la Communi­ca­tion et de la culture, le rapatriement du crâne du roi Toera et ceux des deux guerriers est devenu une affaire nationale. Faut-il rappeler qu’ils sont morts en martyr. Ils ont payé de leur sang notre libération des griffes du colonialisme. Le « Fitam­poha » ou bien cérémonie du bain des reliques royales, est une coutume sacro-sainte du royaume Sakalava-Menabe. Mais l’absence des reliques du roi Toera dans le « zomba » ternit cette tradition plusieurs fois séculaire.

*Le ministère évoque justement l’organisation d’un « Fitampoha » exceptionnel cette année ? Est-ce que c’est faisable ?
– Jadis, le Fitampoha s’est déroulé tous les ans. Après concertation, la famille et le gouvernement se sont con­venus sur l’organisation de la cérémonie des reliques, un événement de grande envergure au même titre que le fitampoha à Belo-Tsiribi­hina. Mais la date du prochain Fitampoha doit impérativement être fixée à une année paire, soit en 2026. Pour une fois dans l’histoire du Fitampoha, Toera aura droit une cérémonie digne d’un souverain Sakalava, au même titre que ses prédécesseurs à l’instar de Andria­mandazoala, Andriamisara, Andriamandresy, Andrian­dahifotsy, Andriamane­tia­rivo, Andriamandisoarivo, Andrianilainarivo, Andria­ta­ho­rana­rivo, Andriama­nom­poarivo et Kamamy.

Recueillis par Joachin Michaël

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