Mercredi des idées en goguette: Culture en crise

La langue et la cul­ture font parler depuis quelques jours, à coups de polémiques et de mini-scandales.

D’emblée, excluons les cas des rites particuliers et discussions en cercle privé qui n’engagent et ne regardent que ceux qui les prononcent. Mais ne voilà-t-il donc pas que tout le monde est devenu académicien, spécialiste et dé­fenseur de la culture malagasy, pour venir déblatérer sur le soi-disant sacro-saint usage et respect de la langue du pays, et traiter les autres, par la même occasion, d’acculturés. Il est question de ces termes que les uns classent par­mi les gros mots, jurons ou insultes, et que d’aucuns veulent utiliser même en public, sans aucun filtre, tout simplement parce qu’ils relèvent du Malagasy officiel et figurent dans le dictionnaire. Cela étant, cet ouvrage comporte bien des mots que l’on ne peut utiliser à tort et à travers ni en toutes circonstances, des mots qui revêtent une connotation négative, crue, ou qui constituent même des gros mots ou insultes telles que les conventions sociolinguistiques les ont toujours classés. La parole est le propre de l’homme qui, dans son langage construit, a eu l’intelligence de mettre des nu­ances et des registres, qualifiés de soutenu, courant, familier, ou alors vulgaire en fonction des situations d’énonciation. Quelle que soit la langue, ces registres ou niveaux de langue en font d’ail­leurs la richesse et l’acte sexuel, les organes génitaux auront une multitude de synonymes qui ne sauront être utilisés indifféremment dans tous les contextes.

C’est bien simple : si certains veulent bousculer l’ordre établi ou tout faire pour tenter de se démarquer, qu’ils le fassent donc en utilisant, en toutes circonstances, le registre vulgaire quand ils s’adresent à leurs pa­rents, enfants et autres membres de leur famil­le,… Parce que c’est du Malagasy officiel. Et, quand ils ont à s’exprimer en langue étrangère, en l’occurrence en milieu professionnel, qu’ils fassent de même face à leurs collègues, supérieurs hiérarchiques et clients. Par­ce que c’est du Français ou de l’Anglais.

Réseaux sociaux

Ce n’est certainement pas de la fausse pudeur que de vouloir bien choisir ses mots en fonction de l’interlocuteur, du cadre et des circonstances, ni un tort d’en préserver les chastes oreilles des plus jeunes. En revanche, ce serait une vraie erreur que de défendre cette obstination langagière, sous prétexte que c’est à la mode et que ça fait cool.

Et puis il y a ces vidéos qui circulent allègrement sur les réseaux sociaux, parlant d’artistes ou les montrant dans des positions délicates en pleine scène. Position où plutôt geste qui aura certainement valu aux intéressés un rappel à l’ordre du département en charge de la Culture, concernant les atteintes aux mœurs et les comportements obscènes. Etonnamment, dans leurs commentaires des évènements, beaucoup, en l’occurrence principalement des représentantes de la gent féminine, s’en sont pris à la jeune femme qui se serait rendue coupable d’avoir aguiché et être à l’origine la situation. Des positions aussi tranchées qui se sont déjà fait entendre d’ailleurs quand les vi­déos à caractère sexuel de jeunes artistes, alors censées rester dans le cadre privé et intime, ont fuité pour atterrir sur la sphère publique. Bientôt, on accusera les victimes de violences sexuelles de les avoir provoquées…

Ce n’était certainement pas non plus l’objectif visé par l’auteure d’une vidéo relatant l’interview d’une artiste qui traverses quelques difficultés depuis un certain temps, mais elle a suscité un véritable déferlement, une désapprobation quasi générale. Preuve que l’on peut bien nourrir les intentions les plus louables mais que les conséquences de ses actions peuvent s’avérer catastrophiques ou très mal perçues lorsqu’on ne s’y prend pas de la bonne manière. Bref, toutes les causes ne produisent pas toujours les mêmes effets et, de plus en plus, a côté des bienfaits et autres utilités des réseaux sociaux, ce sont malgré tout les mauvais aspects qui se font de plus en plus voir, avec les dénigrements, insultes, linges sales qui s’y lavent… Question de culture une fois de plus dès lors que l’on estime généralement que ces comportements ne font pas partie des valeurs malgaches que d’autres estiment pourtant en perte de vitesse, voire inexistantes. Il existe pour­tant ce que l’on appelle le bons sens, une valeur uni­verselle qui dépasse toutes ces considérations…

N.R.

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