Intelligence artificielle : un levier pour les entreprises

Au fil du temps, l’Intelligence artificielle (IA) n’a cessé de se développer et devient de plus en plus performante. L’outil est utilisable dans de nombreux secteurs tel que la médecine ou encore les bâtiments et travaux publics. C’est le cas partout dans le monde mais aussi, bientôt à Madagascar, s’attend-on.

L’Intelligence artificielle est-elle en train de menacer certains emplois ou, au contraire, de révolutionner la façon de produire ? Quels impacts ces outils peuvent-ils avoir sur l’économie et les entreprises à Madagascar ? C’est ce à quoi ont tenté de répondre des spécialistes, réunis autour d’une table ronde sur “Les impacts humains et économiques de l’IA en Afrique et particulièrement à Madagascar”. Ce rendez-vous a été organisé dans le cadre de la célébration du dixième anniversaire du Centre des Jeunes Dirigeants de Madagascar (CJD).
En phase de déploiement

“On considère que l’IA est en phase de déploiement et de lancement. Nous ne sommes pas encore dans le front de vague. Il s’agit d’une révolution technologique car cela va avoir un impact évolutif et durable sur nos vies personnelles et professionnelles. Mais c’est avant tout une évolution numérique”, souligne Mathieu Debersee, directeur des opérations d’Ingedata, et expert en gestion de données et IA. A lui d’expliquer que l’évolution numérique se décline en trois phases, à savoir l’informatique, le réseau internet et l’intelligence artificielle.

D’après lui, il y aura aussi de gros changements à Madagascar. Où en est justement le pays ? “Cela dépend de quel secteur on parle, mais d’une manière générale, force est de constater qu’on n’est pas encore actif dans l’IA. Cela étant, en termes d’utilisation et d’appropriation de l’IA, Madagascar n’est pas en retard. Il est même en avance sur beaucoup de pays africains (…) Et pour cause, les compétences de nos employés malgaches sont reconnues par des multinationales même s’ils ont dû se former eux-mêmes (…) Madagascar pourra, sinon fait déjà partie du monde de l’IA sur les données et data”, estime-t-il.

De manière concrète, Ingedata existe depuis environ 20 ans mais cela fait environ huit ans que l’entreprise travaille avec pour l’IA. “Cela va surtout être du traitement des données”, explique le directeur des opérations qui note que la compétence est là mais pas assez nombreuse. Mais surtout, c’est en lien avant tout avec le privé. “Il y a vraiment besoin de structurer cela. C’est un enjeu gouvernemental dans la mesure où dans certains pays, c’est le gouvernement lui-même qui est le fer de lance du développement de l’IA”, pose-t-il.

“40% des métiers impactés par l’IA”

Pour sa part, Michael Rasolomanana, expert en Data Science et inclusion financière met en avant la plus-value de l’intelligence artificielle pour une entreprise. “Le gain du temps est la principale valeur ajoutée de l’IA. L’approche est aussi importante car souvent, les entreprises ont peur d’investir de manière conséquente dans de grosses solutions (…). Il faut appliquer la solution et démontrer les résultats”, expose-t-il. Néanmoins, par rapport aux compétences, l’expert est enthousiaste car d’après ses dires, le pays dispose des potentiels. “Madagascar a de la chance car certains contenus académiques au niveau des universités et lycée dans les domaines des mathématiques et des statistiques sont excellents. Nous avons aussi plusieurs universités privées enseignant l’informatique et la programmation qui sont des compétences nécessaires pour évoluer en tant qu’ingénieur IA. Le plus important, c’est de s’auto-former car les pratiques et les compétences évoluent très vite” insiste-t-il.

Hery Zo Rakotondramanana, directeur marketing et communication chez E-Tech, partage le même avis en termes de main d’œuvre et de compétences. “Nous avons les compétences qu’il faut (technique ou préparation des données). Nous avons pu monter notre équipe assez rapidement” déclare-t-il. A noter qu’E-tech est une entreprise de services numériques qui accompagne des clients dans des projets de transformation digitale. “Nous avons pris la décision d’amorcer une initiative stratégique d’IA parce que nous savons qu’au-delà du fait que c’est très tendance, il y a aussi un phénomène sous-jacent. D’après les statistiques, 40% des métiers qui existent peuvent être impactés par l’IA et l’automatisation”, souligne-t-il. “Malgré tout, une des problématiques soulevée par les entreprises quand on essaie de les convaincre à adopter l’IA, c’est la partie protection de données. En effet, les entreprises ne veulent pas envoyer leurs données clients vers une plateforme publique, d’où l’intérêt de développer une application spécifique.”

Ingrid Genillon, directrice d’une agence de communication digitale, utilise l’IA dans le cadre de ses activités à savoir le community management, le pôle publicitaire et rédactionnel, ainsi que le développement web. Le coaching pour la prise de parole en public proposé par son agence n’utilise pas l’IA.

“On ne peut pas faire sans, donc nous avons décidé de nous y intéresser, de nous former et de l’utiliser (…). Il est assez difficile de choisir les bons outils : en partant du simple outil de correcteur d’orthographe jusqu’à la génération d’image”, admet-elle. Parallèlement, “Il y a des craintes éventuelles de se poser la question : c’est quoi ma légitimité derrière mon métier ? Si on ne s’y intéresse pas, on ne peut que le prendre comme une menace. Je trouve que cela nous oblige à être meilleur, et toujours savoir apporter une petite touche plus humaine aux réponses générées par l’IA qui reste un outil et non une finalité”.

Les participants à cette table ronde ont tout de même soulevé les problématiques liées à l’usage de ces outils. Il a été mentionné que l’utilisation de l’IA doit être adaptée aux valeurs et éthiques d’où la nécessité de poser des règles quant à la traçabilité et l’origine de la décision, ainsi que les données générées par la machine.

“(…) L’IA s’inspire de ce que l’humain fait. Les modèles ont été tracés par des modèles générés par des humains. Dans un futur proche, l’A va s’entraîner sur des données générées par l’IA. Cela atteindra une limite un jour où l’autre. L’humain doit toujours penser à des nouvelles choses et s’améliorer continuellement”, suggère Michael Rasolomanana.

Tiana Ramanoelina

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