Mercredi des idées en goguette: Crever l’abcès

C’est dit. Le président de la Haute cour constitutionnelle (HCC) vient de déclarer urbi et orbi que dans le cadre de la lutte contre la corruption, il existe un certain manquement. Il vient de déclarer, en effet, que depuis la mise en place de la Haute cour de justice, il y a cinq ans, cette instance n’a réussi à traiter qu’une seule affaire. Et pour cause, selon lui, à chaque fois qu’un dossier de mise en accusation est ins­truit devant les élus de l’Assemblée nationale, le quorum permettant son adoption n’est jamais atteint.
Certes, il s’agit d’un fait que les observateurs politiques ont noté depuis belle lurette sauf que c’est la première fois qu’un haut responsable du pays, qui plus est un chef d’institution, ose enfin crever l’abcès. Effectivement, depuis l’installation de cette cour, en 2018, aucun dossier n’a été traité. Et pourtant, selon les in­formations fournies à la presse, ce ne sont pas les dossiers autour des anciens responsables qui manquent mais à chaque fois, les séances dédiées à la mise en accusation sont soit an­nulées, soit marquées par le manque de quorum. Cependant au
dé­but de sa mise en place, les défenseurs des droits et les membres de la société civile se sont frottés les mains pour dire qu’enfin un cap était franchi dans la mise en place d’un État de droit à Madagascar. Sauf qu’apparemment, rien n’a évolué de ce côté- là.
Cela étant, au-delà de la question de l’Etat de droit, cette remarque du président de la Hau­te cour constitutionnelle soulève, encore une fois, le débat autour de l’égalité devant la loi entre les simples ci­toyens et les hauts res­ponsables du pays. Si, en tant qu’ancien res­ponsable, on peut se soustraire à la justice, comment faire comprendre à un simple citoyen, souvent con­damné à des faits de moindre importance, que la justice est faite pour tout le monde ? Il est indiqué, textuellement, en effet, que la Haute cour de Justice est compétente pour juger les actes accomplis, liés à l’exercice de leurs fonctions qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis, par les présidents des Assemblées parlementaires, le Pre­mier ministre, les au­tres membres du gouvernement et le Prési­dent de la Haute cour constitutionnelle. Le président de la Répu­blique, lui-même, fait aussi partie des personnalités que cette entité peut juger.
Sur le papier, et sans aller jusqu’à prendre la place de la justice, la liste des personnalités qui devront passer de­vant la Haute cour pourrait être longue. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les affaires marquantes de ces dernières années. Mais ap­paremment, les élus de la Chambre basse en ont décidé autrement. Et comme ils arrivent au bout de leur mandat, espérons que les futurs membres de la Cham­bre basse oseront aller dans le sens de la justice. Certes, poursuivre des hautes personnalités peut être complexe et parfois politiquement hasardeux, cependant, le respect de l’État de droit et la garantie de l’équité dans la justice sont des principes fondamentaux pour la stabilité.

Rakoto

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