Dans son dernier rapport public 2024, la Cour des comptes a mené une étude sur l’efficacité des moyens qui ont été mis en place par Madagascar pour éradiquer l’insécurité alimentaire. Un manque de stratégie claire et de moyens financiers sont évoqués par cette juridiction.
L’étude est intitulée “Audit de performance des mesures prises dans le cadre de la lutte contre l’insécurité alimentaire dans le Sud de Madagascar gestion 2020-2022”. La Cour des comptes apprécie la performance des actions des organismes publics et émet ses recommandations sur ces périodes.
D’après le rapport de la Cour des comptes, l’insécurité alimentaire sévit principalement dans trois régions de l’île à savoir Androy, Anosy et Atsimo Andrefana. Le fléau est caractérisé par “un accès insuffisant à une alimentation saine et nutritive”, fait savoir ce document. Il peut être temporaire, cyclique ou saisonnière souligne le document. Ajouté à cela des facteurs exogènes comme le changement climatique qui se manifestent par des sécheresses intenses d’autant que l’économie de ces régions est principalement basée sur l’agriculture et l’élevage. En effet, à cause des changements climatiques dans ces régions, même la gestion d’eau nécessite un savoir-faire assez spécial. Les régions qui subissent les aléas climatiques peuvent être confrontées à des sécheresses, tout comme elles peuvent faire face à des inondations. L’absence d’infrastructures pèse également.
Par ailleurs, l’insécurité alimentaire est fortement liée à deux autres secteurs : l’agriculture et l’élevage. Justement, la cour des comptes met en avant l’insuffisance des ressources propres consacrées à ces deux secteurs.
Premièrement, Madagascar est signataire des décisions et déclarations de la Conférence de l’Union Africaine, deuxième session ordinaire du 10-12 juillet 2003 Maputo (Mozambique) qui prévoit d’allouer “chaque année au moins 10% de nos budgets nationaux à leur mise en œuvre, dans un délai de cinq ans”, comme le souligne la Cour des comptes. Ainsi, il ressort de cet audit que Madagascar n’a pas respecté cet engagement.
En effet, entre 2020 et 2022, le budget alloué à l’agriculture “était en moyenne de l’ordre de 4,18% du budget général”, donc en-dessous de l’objectif fixé. Le rapport de la cour des comptes révèle que durant cette période, le budget général a augmenté de 31,45% mais celui de l’agriculture n’a progressé que de 11,81%. “Les investissements dans le secteur restent faibles, avec seulement 1,7% pour l’agriculture et 0,25% pour l’élevage”, précise le document. De plus, 93,68% des investissements agricoles sont financés par des fonds extérieurs, ce qui justifie le fait que la plupart des investissements agricoles proviennent des financements extérieurs, d’organisme et ONG internationaux. “L’insuffisance de ressources limite les investissements d’envergure dans le secteur à l’exception du projet bas Mangoky financé par la Banque mondiale”, conclut le rapport.
Le manque de moyens financiers ne se résume pas à l’agriculture, mais également aux infrastructures. Dans ce sens, le rapport de la cour des comptes révèle que les investissements dans les infrastructures en eau à Madagascar sont très limités.
En effet, il s’avère que sur les dépenses publiques financées par les ressources propres, seulement 0,61% sont alloués aux investissements pour l’accès à l’eau et l’assainissement, ce qui représente 4,55% des dépenses d’investissements totales du pays. L’audit avance que la gestion de ces investissements est “fortement centralisée, sans aucune inscription budgétaire au niveau régional au à celui des structures déconcentrés”. Encore une fois, d’après le rapport, les investissements dans ce secteur sont également assurés par le PTF ou directement le ministère central. Indéniablement, la capacité des organes locaux ou déconcentrés se trouve ainsi limitée.
A côté, les infrastructures routières sont concernées par ce manque de moyen. “Les dépenses publiques consacrées au développement des infrastructures routières représentent 2,08% des dépenses financées sur ressources propres, soit 15,09%des dépenses d’investissement totales du pays” révèle la Cour des comptes. Le même bémol est observé car “aucun crédit n’est prévu au niveau régional ni aux structures déconcentrés pour les infrastructures routières car leur budget est destiné aux opérations courantes. Les grands projets de réhabilitation routière sont principalement financés par des partenaires internationaux ou sur ressources propres de l’État au niveau central, ce qui limite considérablement la capacité d’action et d’investissement au niveau local”. La cour recommande d’accroître les budgets allant dans ce sens.
Tiana Ramanoelina