Alors que le pays Sakalava Menabe attend de pied ferme la décision du Conseil d’Etat français, qui doit acter sur le rapatriement des crânes du roi Toera et de deux guerriers Sakalava, Piero Kamamy, descendant de la famille royale et non moins membre du comité scientifique malgache reste confiant quant à l’issue positive des démarches entreprises par le Gouvernement malgache.
*Les Nouvelles : Quel est l’enjeu de ce rapatriement historique ?
– Piero Kamamy : Voilà maintenant 130 ans que notre famille a entrepris les démarches nécessaires pour le retour du crâne du roi Toera dans sa terre natale. Rappelons que le souverain du Sakalava Menabe fut décapité par ses assaillants dans la nuit du 29 au 30 août 1897 et sa tête fut saisie et ramenée en France en guise de butin de guerre. Dans l’Imerina, la reine Ranavalona III a agité le drapeau blanc en 1895 en guise de capitulation mais lui, préfère mourir en martyr plutôt que de se rendre. Plus d’un siècle après, le retour historique de ce patrimoine constituera une grande première, en ce qui concerne la restitution aux Etats africains des restes humains appartenant aux collections publiques. Il faut souligner que des centaines de crânes sont conservés à Paris. Pour les Sakalava Menabe seulement, nous avons compté 35 crânes, lors des prélèvements d’ADN réalisés en 2018 sur les ossements du squelette du roi malgache.
*Parlez-nous des préparatifs en amont de ce rapatriement ?
– Le conseil des ministres à approuvé l’organisation d’une cérémonie officielle pour réaffirmer la relation diplomatique entre les deux pays et une cérémonie purement culturelle, selon les traditions Sakalava Menabe. Entre-temps, une série de réunions ont été organisées avec le ministère de la Communication et de la culture. La semaine prochaine, une équipe de mission se rendra encore à Belo-sur-Tsiribihina pour rencontrer les « Olobe » et « Dady » sur les us et coutumes à respecter. Pour la date de rapatriement, nous avons proposé le 14 avril, qui est en phase avec l’astrologie malgache. Nous tenons d’ailleurs à remercier le gouvernement malgache, qui s’est impliqué grandement pour arriver à cette étape significative de l’histoire de Madagascar.
*Et pour la cérémonie proprement dite ?
– Les objets de collection seront récupérés au Musée de l’Homme à Paris et remis au Gouvernement malgache. Un comité spécial composé des membres de la famille, des gardiens de la tradition et du gouvernement accueillera les reliques à l’aéroport international d’Ivato. Les trois crânes seront conservés dans un coffre en bois de « Nato ». Dans la foulée, le cortège partira sur les routes et fera halte à Miandrivazo, portail de la région Menabe, puis à Mahabo – où reposent les rois Andriamisara et Andriandahifotsy – avant d’être acheminé à Belo-sur-Tsiribihina. Un sacrifice de zébus et une grande fête feront office de coutumes à chaque lieu de passage. Par ailleurs, le président français Emmanuel Macron, qui est à l’origine de ce projet de restitution des biens culturels à l’Afrique, est attendu à Madagascar en avril prochain. Bien que sa visite s’inscrive dans le cadre du Sommet de la Commission de l’océan Indien, il ferait le discours de rapatriement des trois crânes au Gouvernement malgache, selon certaines indiscrétions.
*La loi française relative à la restitution des restes humains préconise une restitution à des fins funéraires mais non pas mémorielles.
– Dans notre culture, il est formellement interdit d’exposer les squelettes humains. Il faut souligner que l’architecture du « Zomba », tombeau Sakalava, s’apparente plutôt à une maison qu’à un caveau. Il y a deux sortes de zomba, celui qui abrite les reliques pour la cérémonie de Fitampoha dans la ville de Belo-sur-Tsiribihina et celui réservé à la sépulture familiale. La tradition veut qu’une fois décédé, le corps doit être suspendu au lieu d’être mis en terre. C’est après le stade de décomposition que les squelettes seront placés dans le zomba pour le repos éternel.
*La prochaine date du Fitampoha est prévue pour quand ?
– Selon la tradition du Sakalava Menabe, la date du prochain Fitampoha ou bain des reliques royales doit impérativement être fixée à une année paire, soit en 2026. Il faut avouer que la préparation des reliques repose sur toute une procédure qu’il faut respecter à la lettre, un véritable travail de fourmi. Le plus urgent est le rapatriement des crânes. Si les reliques du roi Toera sont prêtes avant le mois de septembre 2026, il participera au bain des reliques royales.
Recueillis par Joachin Michaël