Mercredi des idées en goguette: Un autre 29 mars, 77 ans après

Comme chaque an­née, le pays s’apprête à commémorer, de nouveau, la journée du 29 mars, 77 ans après 1947. Il s’agit de l’un des évènements les plus marquants de la période coloniale, avec l’insurrection face à l’oppresseur d’un côté et la répression qui s’en est suivi, de l’autre. Parmi les bilans, l’on compte, selon les chercheurs, plusieurs milliers ou dizaines
de milliers de victimes ainsi que le traumatisme au sein des familles et proches des victimes. A travers les écrits historiques, il est indiqué en effet que les répressions s’étaient poursuivies durant plusieurs semaines après l’évènement proprement dit. Les premiers impliqués ont été con­damnés, tandis que d’autres ont connu l’exil. Ici, il ne s’agit pas de refaire l’histoire, mais de repenser à ce que les autres générations en ont fait du passé.

77 ans après, qu’avons-nous tiré des luttes menées par les aînés ? Et comme à chaque célébration de l’indépendance, cette question mérite d’être posée : qu’avons-nous fait de notre indépendance ?
Et c’est quoi être un pays souverain en 2024 ? Vastes questions, peut-être, mais, en tout cas, légitime. Elles sont d’autant plus légitimes que si la souveraineté semble déjà acquise, le débat reste ouvert pour les politologues, des défis restent encore en sus­pens. Il patent, en effet, de constater que durant des débats autour de la question d’indépendance, des gens n’hésitent pas à déclarer que si on leur donne encore des choix, ils préfèrent rester sous l’égide de la puissance coloniale de l’époque, à l’instar des autres îles voisines. Cette posture, au-delà de la méconnaissance de l’his­toire, révèle, sans nul doute, un malaise.

Il faut se rendre à
l’évidence, le pays, con­trairement à d’autres nations du continent, peine à avancer depuis. Il suffit de jeter un coup d’œil au niveau des infrastructures routières et des bâtiments administratifs pour le comprendre. La plupart des grands travaux ont été réalisés durant les mo­ments forts d’avant l’indépendance. La faute à qui ? La majorité tente de répondre en accusant ceux qui ont successivement gouverné le pays mais aussi les étrangers dit « vazaha ». Il s’agit cependant d’un raccourci pour tenter de rejeter, comme à l’accoutumée, la faute aux autres. Si nous sommes là aujourd’hui, c’est en grande partie de notre responsabilité car les dirigeants ont été à leurs postes, c’est d’abord, grâce ou selon, c’est selon, à nous tous, des anciens ou de la jeune génération.

Cela étant, les nationalistes de première heure se retourneront, à coup sûr, dans leur tombe s’ils auraient la malchance de voir les résultats des batailles qu’ils ont menées aujourd’hui. Comme l’illustre la ré­cente polémique autour de la chanson « Mitsan­gana ry tanora » nouvelle version qui, à bien des égards, a révélé les limites de la connaissance de l’histoire auprès de la jeune génération. Pour autant rien n’est perdu, comme en témoigne aussi le réveil de la fibre patriotique, toujours à la suite de cette chanson. Le grand défi reste, néan­moins, de maintenir cette fibre patriotique pour accomplir, enfin, ce que les ainés ont voulu au moment où ils avaient lutté avec acharnement contre les oppresseurs.

Rakoto

Partager sur: